A l'indépendance de l'Inde en 1947, Gandhi a donné sa vision de l'Inde :
"Un pays avec un seul drapeau et 500 000 villages indépendants et solidaires."
Je vais commencer avec une citation de Gandhi.
"L'État représente la violence sous une forme intensifiée et organisée. L'individu a une âme, mais l'État, qui est une machine sans âme, ne peut être soustrait à la violence puisque c'est à elle qu'il doit son existence."
"La véritable indépendance ne viendra pas de la prise du pouvoir par quelques-uns, mais du pouvoir que tous auront de s'opposer aux abus de l'autorité. En d'autres termes, on devra arriver à l'indépendance en inculquant aux masses la conviction qu'elles ont la possibilité de contrôler l'exercice de l'autorité et de la tenir en respect.
(Gandhi - Democracy : Real and Deceptive, Ahmedabad, Navajivan Publishing House, 1932)
Ici, Gandhi ne critique pas à proprement parler l’État dans son essence (il faudrait pour cela établir ses prérogatives essentielles et s'y tenir) mais l’État tel qu'il est dans un abus permanent de pouvoir au contenu étouffant pour les administrés. Son rôle serait de dire la Justice, de dire le Droit ... Le pouvoir étant au niveau des villages, des quartiers ou autres lieux de production ...
" Machine électorale, machine législative, machine exécutive, machine administrative, l'appareil de l’État rebutait le Mahatma qui le trouvait aussi rébarbatif qu'un train."
(Préface de Lanza del Vasto du Hindj Swaraj de Gandhi - Leur Civilisation et notre Délivrance - Pensée Gandhienne, Denoël. 1957)
Il y a encore peu, Jean-Marie Muller commentait, de mémoire, que la violence est le monopole de l’État, qu'il l'interdit à tous et l'applique sans complexe. Max Weber, lui, en 1919, établit la légitimité de la violence d’État : https://la-philosophie.com/letat-detient-le-monopole-de-la-violence-legitime-weber
Gandhi, vraisemblablement juste avant la marche du sel, fait remarquer que l'impôt sur le sel est quelque chose d'immoral. C'est l'Empire Britannique qui lève cet impôt, façon de faire payer par tous les indiens les frais de la colonisation.
Retenons bien ce fait : le colonisateur fait payer au colonisé les frais de la colonisation ...
Non contentes de piller l'Inde dans ces moindres recoins, les autorités de l'Empire ne trouvent pas correct que le quidam indien, pauvre ou riche, ne participe pas au grand commerce international et national qui profite en grande partie à la Couronne britannique, à ses Lords et aux comptoirs établis sur toutes les côtes.
Ceci est vieux comme le monde. Déjà Jésus, devant la pièce de monnaie représentant César, avait dit à ceux qui le questionnaient et voulaient l’embarrasser « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! »
« Rendre à César ce qui est à César » (rendre à la machine d’État ! ) est donc logiquement accepter de payer l'impôt, c'est normal, et si tu ne veux pas payer l'impôt, hé bien, n'aies pas de rapport avec cet argent-là, autrement dit sois un mauvais consommateur et devient au plus autonome. Tout le monde comprend que c'est une échelle de valeur qu'il convient de mettre en place, et Gandhi, devant cette évidence, est allé chercher son sel avec la volonté de devenir indépendant par rapport à cet impôt qu'il juge illégitime et contraignant pour la plupart des indiens. Il en accepte les conséquences et va demander aux juges de l’incarcérer à l'Hôtel de Sa Majesté ou de se démettre s'ils trouvent moralement la loi (sur cet impôt) insupportable ...
« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » (parce que l'individu a une âme) est donc cette prise en charge de sa propre vie, dans une certaine dignité de femme et d'homme debout, qui interroge l'autorité publique par rapport à sa légitimité et invoque du même coup sa responsabilité morale, car finalement, l'impôt sert avant tout à récupérer suffisamment d'argent sur le dos du quidam, pour le faire travailler un peu plus pour que les bénéficiaires de l'impôt travaillent un peu moins ou beaucoup moins, sinon plus du tout, puisque de siècles en siècles, la magie de la servitude faisant son travail, chacun trouve normal de contribuer à soutenir une « caste » des percepteurs d'impôts, bien installée et richement dotée de biens matériels. Cela justifie donc sa nécessité : il y a ceux qui acceptent de payer l'impôt et ceux qui l'imposent à volonté, puisque confirmés dans leur rôle.
Dans « le Bon, la Brute et le Truand » (symbole du fonctionnement de notre société), à la fin du film, le Bon dit au Truand: « Le monde se partage en deux, il y a ceux qui creusent avec une pelle et ceux qui ont un revolver, toi, tu creuses ! » Le Truand creuse donc, quoi faire d'autre ?
Ainsi l’État constitué, avec facilité, propose à chacun de creuser, de bosser pour faire marcher la machine, que ce soit à droite ou à gauche, car le magot du travail de tous profite à ceux qui n'ont pas à creuser puisqu'ils font partie de ceux qui, peu ou prou, se le partagent, plus ou moins équitablement d'ailleurs ... , et détiennent le pouvoir d'en user.
Le refus revendiqué du pouvoir ou de la puissance devrait être la consécration de la liberté pour soi et pour les autres. Or nous constatons que l’État dans son monopole de la puissance et de l'action, implique pour ceux qu'il gouverne, l’assujettissement et la reconnaissance de la légitimité de la violence. Un couvercle sur la liberté (qui devrait être innée, primordiale et essentielle). La soumission est-elle liée au besoin de sécurité?
On aura compris que ce développement, disons philosophique, sur l'impôt est à mettre en relation directe avec l'interrogation de Gandhi lorsque, ce matin-là, le 12 mars 1930, seul, il prend la route vers l'océan ... «Je vais de ce fait, faire chambouler l'Empire ! JAÏ JAGAT, Victoire pour le Monde ! » a-t-il du se dire en son for intérieur. Il attendra encore 15 ans, mais la semence germera !
Gandhi ne voulait pas le pouvoir, il voulait le pouvoir des gens, chacun là où il est et dans l'ordre croissant : famille, village, ville, district, lesquels pourvoient ensemble aux besoins vitaux et économiques, au souci de santé, d'éducation, d'expression religieuse et spirituelle et de culture, de respect des animaux dans l'observance du droit établi par l’État dans une constitution aux couleurs des Béatitudes, comme nous l'a souvent répété Lanza del Vasto lors de ces entretiens. C'est ainsi qu'il aimait son pays et a toujours détesté l'idée d’État (tel qu'il est aujourd'hui).
Il a confié à Ambedkar*, qu'il appelait son « meilleur ennemi » le soin d'étudier une Constitution pour l'Inde. Hélas, Gandhi n'aura pas eu le temps d'y travailler avec lui puisque assassiné en 1948. La Constitution définitive de l'Inde paraîtra en 1955, sept ans après sa mort. Il est certain que celle-ci aurait été différente, à commencer par la justice sociale qui n'est pas même citée et n'existe pas en Inde, et Ambedkar, intouchable lettré, préférera assortir des droits nouveaux aux intouchables par l'obtention de quotas dans les administrations de l’État, aspect purement électoraliste, il espérait ainsi prendre le pouvoir par le vote des basses castes, ce qui ne fonctionna pas.
Gandhi n'est en rien un idéologue. C'est un pragmatique et tout passe par le filtre de l'expérimentation au quotidien, y compris ces commentaires sur l’État. A contrario, Jinnah** et Ambedkar sont plutôt des idéologues et font passer l'intérêt de l'idée avant celui du plus petit des indiens. Ainsi Jinnah cède aux mollahs pour satisfaire l'idée d'un Islam fort et joue la carte de la partition de l'Inde alors que lui-même ne met pas un pied dans une mosquée, alors que Gandhi jeûne pour éviter la partition et appelle à l'intelligence du cœur et du corps. Ambedkar joue sur sa popularité dans les milieux des intouchables, non pour leur affranchissement comme le demandait Gandhi, mais pour asseoir une représentativité sociale massive, malheureusement sans suite.
Évidemment, ce sujet est inépuisable mais j'ai pris un certain plaisir à le mettre sur la table. Ces quelques réflexions liées aux textes de Gandhi devraient pouvoir permettre d'aller plus loin. Si des lecteurs de cette Newsletter en avaient le temps et l'intérêt, j'aimerais que se développent des réflexions venues de tout un chacun, y apportant un plus ou un « Oh là » !
J'aimerais !
Et pourquoi pas faire un comparatif avec ce que nous vivons aujourd'hui avec cette pandémie, le pass sanitaire, les procédures d'urgence, une vaccination pas obligatoire mais tout comme, etc, etc... Hein ? Et à qui profite la mondialisation de la santé, et au détriment de qui ?
Jusqu'où la soumission à l'impôt, au vaccin, à l'autorité, à la transhumanisation, etc..., et pourquoi ? Jusqu'où peut aller la somnolence, n'est-elle pas déjà profonde mais aiguë ?
A vos plumes, amies et amis !
Louis Campana, novembre 2021
*Ambedkar : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bhimrao_Ramji_Ambedkar
**Jinnah : https://fr.wikipedia.org/wiki/Muhammad_Ali_Jinnah
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