Approches lointaines et immédiates

Tenter d'approcher ce qui vient de loin et qui est sous votre nez !


Principes fondateurs de la spiritualité gandhienne comme moteur de sa vie publique et politique.


Louis Campana.

 

 

On peut penser bien sûr que ces questions ont vite fini par être essentielles lors de la confrontation de ma foi catholique et les convictions respectables d'autres traditions religieuses ou spirituelles qui tentent d'apporter des réponses. Comme président de Gandhi International et donc proche de la pensée gandhienne par symbiose, je me suis confronté à la distinction entre "résurrection" et "réincarnation". Puis, je me suis rendu compte que ces deux termes ne sont pas à comparer car le fond de la spiritualité hindoue à propos de la mort et sa suite, n'a rien à voir avec le mot de "réincarnation".

 

Pour l'hindouisme tout comme les autres traditions, jaïne et bouddhiste, seule compte l’Éternité, et la réincarnation est ce qu'il convient de dépasser, comme répétition d'un malheur.

 

Voici :

Selon les travaux des bénédictins Henri de Saux, de Bede Griffiths et l'actuel Frère John Martin, les traditions religieuses et spirituelles d'Orient et d'Occident ne sont pas éloignées les unes des autres et trouvent leur accord dans la distinction faite entre dualité et non-dualité puis leur compréhension.

Dualité : Les traditions prophétiques, juive et chrétienne définissent un monde créé par Dieu et donc l'opposition entre le créé et le créateur.

Dans les traditions orientales (hindoue, bouddhiste, jaïne et même les traditions anté-américaines incas et autres (la Terre-Mère)), tout est Un.  L'Univers est Un, il est caractérisé par l’Éternité comme seule identité. Celui qui en a conscience peut dire : Je suis Dieu. (Il y a bien entendu à cela des divergences selon les écoles et les expériences des fondateurs de ces pensées, mais restons-en pour l'instant à cette généralité!)

 

Cela signifie que la seule « réalité » de ce monde est son caractère d’Éternité. Le reste, donc ce que nous appelons communément le passé, le présent et le futur, ne sont pas des éléments d’Éternité, donc hors réalité et sont dits ir-réels. Dits autrement, ce ne sont que des accidents qui ont un début et une fin (donc non éternels) et ne constituent pas la « Réalité ». Ces accidents sont les moteurs permanents de la réincarnation, ce à quoi, il convient d'échapper pour entrer dans la "libération" de ces cycles néfastes.

 

Ainsi, par exemple, la tradition dit que toute femme, tout homme qui se fait incinérer à Vanarasi, au bord du Gange, est censé être libéré des cycles de la réincarnation et donc du Karma...(Socialement, le Karma a bon dos car il permet de justifier la non-assistance aux malheureux qui ploient sous la souffrance et les malheurs de la vie et conséquemment de pouvoir dire qu'ils ont ce qu'ils méritent : être pauvre, boiteux, lépreux ou être affligé de malheurs n'est que la conséquence de vies antérieures désastreuses!).

 

Dans ces traditions anciennes donc, seule la "libération" par la conscience d'Être, le rituel, le renoncement à tout et l'expérience mystique a valeur d’Éternité (quatre étapes, donc) et cela est disponible à toutes et tous, en en prenant les moyens et en en respectant les échelons. Cet état d’Éternité permet à chacun qui l'a rejoint de pouvoir dire : "je suis Dieu". Mais cette possibilité s'accompagne d'une autre exigence qui la contient : l'Autre, le prochain est Dieu aussi, effectif ou en devenir, donc respectable.

Voilà s'agissant de la perception non-dualiste de la Vie.

Cela est-il en opposition avec la foi catholique ?

Stricto sensu, oui !

 

Sauf, qu'il convient de retrouver l'accord entre non-dualité (les traditions anciennes) et la dualité (traditions prophétiques).

Dans nos traditions, il y a comme déjà dit, un Créateur tout puissant ou source abondante de toute Vie et générateur universel et éternel. Toute la Bible est un long processus du Dieu Démiurge qui enseigne et initie un peuple à l'apprentissage, à une rencontre d'avec le Dieu-Amour personnel et proche. Toute la tradition juive est cet effort d'un Dieu qui parle, qui punit, qui constate que ce peuple a la nuque raide, mais l'effort est constant et traverse les âges et les générations. Tous ces aller-retour du Dieu Créateur et du peuple choisi parmi d'autres et pour les autres sont les fondations de la tradition prophétique juive puis chrétienne. De tradition orale, au départ, la Bible s’écrit et rentre dans l’Histoire, marque l’étape du rituel après celle de la prise de conscience.

 

Voyons donc ou plutôt essayons de comprendre le passage d'une vision dualiste (Dieu-Créateur et créatures distinctes) à la vision non-dualiste (Tout est Un, l'Univers, Dieu, Cosmos, L'un dans l'Autre, etc...).

 

Les charnières les plus représentatives sont ces phrases des Évangiles dans lesquelles Jésus s'affirme Dieu : "Avant qu'Abraham fut, Je Suis", "Le Père est moi, sommes Un !", "Qui m'a vu, a vu le Père!", "Celui qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en Celui qui m’a envoyé et celui qui me voit voit Celui qui m’a envoyé."

Ce sont ces affirmations qui font dire aux Scribes et aux Pharisiens qu'il a perdu la tête et qu'il blasphème, ou encore qu'il agit avec le Diable, qu'il faut le mettre à mort. Cela est incompréhensible, blasphématoire dans la tradition juive, en tout cas non-conforme à l’écrit et à la Loi.

 

Il est impossible qu'une créature-homme puisse s'identifier à Dieu.

(J’ajoute que les dates, les lieux, les faits consignés dans la Bible marquent l’appartenance à l’Histoire (l’Ir-réalité) et donc éloignent ceux qui la suivent de l’Éternité car l’Histoire revêt trop d’importance et donne un pouvoir à ceux qui la conduisent face à ceux qui la subissent et ne peuvent se soustraire. L’Histoire, premier principe religieux, première source de malheur! Voir ci-après Caïn et Abel!)

 

Tout en respectant sa tradition juive tout au long de son ministère de trois ans, Jésus invite ses coreligionnaires à dépasser la Loi et les préceptes car ce sont des fardeaux inutiles et à « réaliser » l’œuvre de Dieu en Esprit et Vérité. "Le Sabbat est fait pour l'homme, non l'homme pour le Sabbat."

Au jeune homme riche venu lui demander ce qu'il doit faire de bon pour avoir la vie éternelle, Jésus répond par le respect des commandements, puis après les avoir cités : "Le jeune homme lui dit : 'Tout cela, je l’ai observé : que me manque-t-il encore ?' Jésus lui répondit : 'Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi.' À ces mots, le jeune homme s’en alla tout triste, car il avait de grands biens."

Le jeune homme est coincé entre le respect de la tradition où il est bloqué et la perfection proposée par Jésus, qui exige le renoncement total. "Dieu seul est parfait, sois comme Dieu, donc !"

 

Ainsi toute religion est à la fois un bien et à partir d'une étape de la vie consciente, un fardeau. Il faut alors partir en forêt affronter ses propres bêtes sauvages, oser le désert face au démon, traverser les flots impétueux de la mer, rencontrer le Léviathan, dont le psalmiste dit « qu’Il le créa pour s’en rire », ou encore gravir la montagne, enjamber les ravins, enfin à l’Horeb (Moïse et Élie) ou au Thabor (Jésus), recevoir l’Illumination et ainsi renoncer à l'apparence, découvrir l'inconnu de soi-même, mourir à soi-même et passer à l’autre rive...à l'Eternité.

 

Jésus, au début de son ministère, veut faire le pas de la perfection en allant se faire baptiser dans le Jourdain par Jean, le Baptiste. A partir de ce moment il entre en opposition à sa propre tradition, non pour y échapper mais pour l'accomplir.

A son baptême voulu et assumé, auquel ont précédé les observances quotidiennes de la vie d'un jeune juif, les rites et les sacrifices rituels, il dit vouloir accéder à ce qui est convenable ou convenu : prendre et assumer tout le péché du monde, le laver, le purifier dans l'eau et une fois sortit du Jourdain, une voix identifie Jésus comme son fils bien-aimé qui a toute sa confiance. Déjà Jésus accomplit son passage vers le Père et sa résurrection. Le fils de la lignée de David est désormais l'engendré du Père, du moins pour ceux qui le suivent, car il n'a cessé de l'être depuis la nuit des temps, annoncé par les prophètes, né de la Vierge, reconnu par Siméon, entre autres.

 

On peut poursuivre en citant tous les épisodes de la vie connue de Jésus à partir des Évangiles pour s'apercevoir que ce Jésus est déjà dans sa "résurrection", de sa naissance comme homme, jusqu'à son relèvement après sa passion, car il fallait, pour convaincre et fortifier ses disciples que le passage vers le Père se fasse par une mort physique et tangible, manifeste et tragique.

Ainsi le temps, tout comme l'espace (donc le croisement de l'Histoire!), sont abolis parce qu'accomplis, l'ir-réalité est contenue et resserrée dans cette explosion de l'instant éternel lumineux. Cet instant éternel lumineux est aussi là, lors de la Transfiguration et les disciples présents n'y comprennent rien, et dans leur désarroi proposent une tente pour Moïse, Élie et Jésus.

 

La vanité du monde (dans le Qohélet (l’Ecclésiaste) dans les traditions prophétiques), Maya ou l'illusion (des sagesses orientales), font toutes une référence explicite au renoncement, à l'abandon car tout est instable et vicié dans les cycles du temps et les distances où évoluent nos vies, chaotiques parce qu'immergées dans un fond de sac ( y compris religieux) duquel il convient de sortir.

 

Le passage de Jésus au désert, suite à son baptême, correspond entièrement à ce renoncement et abandon au Père, pendant lequel l'Esprit descend sur lui. Ainsi, il renonce à vouloir "être tout", "dominer tout" et "avoir tout" selon les travaux de Vladimir Soloviev, théologien orthodoxe du 19 ième, traitant des Tentations du Christ au désert.

Ce passage au désert ne fait que confirmer la troisième étape du cheminement des sages hindous, la conscience d'être qui culmine dans "le Père est en moi et je suis dans le Père" où toute attache au monde est dissoute et dont l'aboutissement est la communion totale : Je suis Dieu !

 

Ainsi de la dualité à la non-dualité, le passage s'éclaircit par cette phrase de Saint Irénée, disciple de Polycarpe, lui-même celui de Jean l’évangéliste : "Dieu se fait Homme, pour que l'Homme devienne Dieu !", "Vous êtes des Dieux !" Saint Jean, 10.34, mais en devenir (de l’ir-réel au réel(!)) et consciemment.

 

Ailleurs dans les Tropaires de la liturgie byzantine, il est proclamé : "Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ", potentiellement chaque baptisé est Christ et donc Dieu. Donc déjà ressuscité et éternel !

Il convient cependant de traverser le temps et l'espace, croire et en être conscient en sont "le Chemin, la Vérité et la Vie", ce dont se qualifie Jésus.

Telle est la vie du monde à venir...malgré nos infirmités quotidiennes, nos attachements, nos abîmes.

 

Gandhi affronte la réalité du dominion britannique avec cette force tranquille qu'il va chercher dans la tradition jaïne transmise par sa mère sans d'ailleurs l'exprimer ainsi, car ce n'est pas pour lui un besoin. Il vit la recherche de vérité avec apaisement et sans désir de l'imposer, (c'est une longue expérience qu'il nous livre lors de ses quelques années à Londres (1888, 89), lorsque jeune homme il goûte avec déplaisir aux vicissitudes locales auxquelles il est convié, dans son livre "Autobiographie ou mes expériences avec la Vérité"). C'est pour lui une exigence intérieure.

 

Beaucoup plus tard, lors de son voyage devant le parlement britannique, selon Edmond Privat, suite à la marche du sel :

"Quand les prisons furent pleines en 1931, il fallut signer la trêve. On relâcha trente mille hommes et femmes. On invita Gandhi à Londres.

Au palais Saint-James, à la Table Ronde, il écoutait les autres. Enfoui dans son châle blanc, le chef d'un peuple immense était tranquille et tout petit...

...Un haut fonctionnaire du Foreign Office quittait le Palais Saint James, où il avait entendu Gandhi. Londres était tout mouillé du brouillard d'automne. La chaussée tremblait sous le roulement des autos.

            "Il y a deux choses à remarquer, dit-il à son collègue au bord du trottoir :

            Primo, Le Christ devait être un peu comme cela.

            Secundo, nous ne pourrons jamais nous entendre, car nous ne discutons pas sur le même plan."  Edmond Privat, Aux Indes avec Gandhi, Denoël, page 8.

 

Effectivement, Gandhi ne se situe jamais dans une dialectique socio-politique, avec des compromis et des échanges de bons procédés ou des tractations pour aboutir à des accords. A cause de cette attitude, certains ont pu voir une obstination ou une forme dictatoriale sur le Congrès. Sa conduite au jour le jour est basée sur l'écoute de la petite voix intérieure, comprenez une prière qui n'est autre que le retour sur soi pour penser et faire juste et vrai, en lien avec la vision lumineuse de l'intérêt général. Car le bonheur des masses laborieuses est toujours sa préoccupation depuis qu'il a emmené l'Inde dans sa quête d'indépendance et les exigences pour tous que cela impose.

 

Gandhi a donc pris conscience de son être, assumer les défis de la résistance aux plaisirs malsains (à Londres, notamment), renoncer aux facilités d’une vie d’avocat en se plongeant dans l’insécurité (en Afrique du Sud), renoncer à l’habit occidental en revêtant le pagne et les sandales (fait historique à Maduraï), sorte de "baptême" voulu et aussitôt des voix s’élèvent : "le Mahatma (grande Âme)" ! Par tout cela, il entre de plein pied dans un désert d’incompréhension de la part des autorités et de ces propres coreligionnaires. Il a donc, volontairement ou non, assumer les étapes du cheminement des sages hindous et la similitude avec Jésus est manifeste.

S’ensuit, une longue pédagogie (ministère!) de Gandhi pour transformer de l’intérieur le peuple indien.

 

...

"Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d'unir toute la famille humaine dans la recherche d'un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer..." écrit le Pape François. J'en fais l'écho à l'idée d'une vision économique non-violente proposée par Gandhi par la pratique dans chaque lieu de vie d'une activité de promotion du Khadi (le rouet et les cotonnades, symboles d'une indépendance libératrice). (Laudato Si’, de 2015. Je vous propose de relire le paragraphe 13, pas à pas). Tranquillement, sans à coups, changer le monde, en écoutant le ronronnement du rouet, comme un mantra éternel et pacifiant. Dingue, non !

 

Il me plaît de mentionner un autre écho, beaucoup plus lointain, mais éternel lui aussi. Dans la Genèse : Texte issu de mon propre ouvrage : "Un Bonheur à construire... entre errances et évidences." Pages 80 et suivantes... (J'y puise des éléments de réflexion de deux auteurs : André Neher, le Quohélet 1945, Éditions de Minuit et Marie Balmary, "La Traversée de d'Eden" Grasset.)

 

"Eve enfanta un fils, Caïn". "Acquisition", "J’ai acquis un homme". C’est ce que signifie Caïn. Il est l’avoir, il est la forteresse qu’Eve va dresser devant Adam. L’enfant mâle est toujours pour la femme le rival qu’elle présente à son mari, il est à elle, il porte le sexe qu’elle n’a pas, il est parfois instrumentalisé (selon Balmary). (En tout cas, Caïn sera dans les grands mythes d’Orient le symbole de celui qui fait, le forgeron, le vainqueur, le faiseur de ville, la civilisation, il est aujourd’hui la civilisation occidentale, forte de son avance technologique, de son droit, de sa logique, de son savoir supérieur, de son mépris tranquille mais constant de tout ce qui n’est pas lui. Son œuvre est bâtie sur le développement de son néocortex assujetti au cerveau reptilien, pour lui, avec lui et en lui. Il sème la violence…, il la récolte sans fin.)

 

...

Puis Eve mit au monde un "frère à Caïn". Il ne s’agit pas d’un autre fils, son rôle ne sera pas d’être dressé contre Adam, mais de servir d’alibi à Caïn, son double en quelque sorte ou une sorte de jumeau, peut-être une conscience pour éviter de se perdre. Son nom est significatif : Abel.

 

            "Abel, c’est la buée, l’haleine. Il est la Vanité… (selon Neher, le Qohélet.)

            Non pas le sentiment de ce qui est vain

            avec le relent péjoratif qui suit, mais le « vain » :

            Le laissé-pour-compte.

            Ce qui ne se voit pas, presque une erreur.

            Il est le verso du recto.

            Il y a l’adroit, et le gauche."

            Mais,...

            "Par son sacrifice d’agréable odeur

            Dans lequel il met tout son être,

            Abel retourne au Paradis,

            Au sein de l’Éternel, au centre de l’Être.

            Il n’est pas mort, bien que tué.

            Il est le manque de Caïn.

            Abel est et sera toujours la quête,

            L’inaccessible quête de Caïn.

            Notre quête et notre manque.

            Il est la fulgurance de l’Essentiel."

 

Caïn est donc le prototype de ce qui passe, l'ir-réel, la civilisation et ses soubresauts, ce qui commence et finit.  Il est donc "Illusion" ou "Maia". L'Histoire !

Abel, l'élément éternel, ce qui manque à Caïn pour Être.

Les deux sont complémentaires, indissociables, ils sont nous !

 

Pour en revenir à Gandhi, j'interroge souvent l'ouvrage de Francis Monnoyeur ("Gandhi ou la Paix des Religions". Cet auteur s'est documenté à partir des "Œuvres complètes de Gandhi" éditées par le Ministère Indien des Affaires Culturelles. Ces œuvres complètes sont disponibles à quiconque veut sur le site de GI (cent volumes de 500 pages chacun.)

Pas à pas, on y voit Gandhi, en pragmatique, sans pour autant renoncer à l'exigence de vérité, s'aventurer dans des contradictions sur certains sujets qu'il a du mal à cerner, tel celui des castes. Ainsi le système ancestral lui semble bon, en un premier temps, car il équilibre la société indienne.

 

"En 1933, Gandhi s'était officiellement et publiquement opposé à l'abolition des castes en mettant uniquement en cause leur principe hiérarchique. Face à l'extrême résistance de la société indienne à l'éradication de l'intouchabilité, il a évolué progressivement et pris une position totalement différente exposée dans un article de novembre 1935, dont la plupart des biographes semblent avoir ignoré l'existence. L'article s'intitule "la caste doit disparaître" et le plus rapidement possible y précise-t-il. 

Aussi, compte-tenu de l'évidente injustice du principe des castes, ses biographes ont souvent conclu à l'entêtement doctrinaire, à son caractère psycho-rigide, à son incapacité à accepter la contradiction, à son tempérament de "dictateur du Congrès ". L'auteur démontre la fausseté de ces jugements et dévoile, au contraire, un Gandhi pragmatique notamment lorsqu'il refuse le boycott de tous les produits anglais, d'une grande perspicacité politique ... Il décrit un Gandhi visionnaire, aux intuitions géniales, profondément démocrate, souvent contesté par ses proches collaborateurs mais l'acceptant toujours de bonne grâce.» Extraits de la présentation du libre par l'éditeur Nuvis.

 

 

A la question donc sur la spiritualité de Gandhi et sa recherche de vérité comme moteur de sa vie publique et politique, on ne peut ignorer la complexité des temps, l'évolution des événements durant sa vie, l’aplomb nécessaire à trouver, les contradictions à portée immédiate et singulière.

 

Ainsi ses relations avec Mohammed Jinnah, lequel veut son État du Pakistan, ou avec Ambedkar, leader intouchable, qu'il qualifie de "son meilleur ennemi" auquel il confie la rédaction de la Constitution Indienne qui verra le jour en 1955, sept ans après sa mort, (sans régler le problème des castes, car Ambedkar préférera le jeu des quotas, enjeu politique), sont-elles autant de garanties d'authenticité en des temps difficiles où il mettra l’Éternité comme paratonnerre aux aléas du temps et de l'espace : seule la vérité est lumineuse et éternelle, quête incomparable...

 

Lui-même accepte qu'à un moment la mort brutale vienne le chercher :

"En fin d'année 1947,... il évoque fréquemment sa mort... et pressent que son destin est d'être assassiné.." : "Jésus-Christ pria Dieu sur la croix pour qu'il pardonne à ceux qui le crucifie. Je prie constamment Dieu pour qu'il me donne la force d'intercéder en faveur de mon assassin ! dit-il" (G.97p163) "Gandhi ou la Paix des Religions", Monnoyeur, Nuvis, page 466.

Ce sera chose faite ce 30 janvier 1948 à 17 h17, un fanatique hindou du BJP, Nathuram Godsé, tire trois coups de son Beretta sur Gandhi qui s'écroule en criant "Ram ! Ram !" (Dieu ! Dieu!).

Libération !

 

"Seule la miséricorde peut changer le monde." Pape François.

… J'aurai tenté par ce texte d'aborder des questions périlleuses mais nécessaires... tenté d'approcher la permanente attitude de Gandhi, né dans une atmosphère proche de la tradition jaïne, tout imprégné aussi de l'hindouisme et fréquemment en relation avec le christianisme, mais aussi de l'Islam. L'universelle question est donc de donner suite à la petite voie intérieure propre à toutes les traditions et y répondre avec vérité et honnêteté. Loin, très loin des discours politiques !